En touchant les 80,50$ le 17 mai, le baril de Brent de la mer du Nord, référence pour les deux tiers des pétroles mondiaux, a renoué avec ses niveaux de novembre 2014. Il a presque triplé en 28 mois, et le mouvement reste rapide : sur un an, l’augmentation frise les 50 %. L’accélération récente est imputable à la prime de risque géopolitique, qui a enflé avec l’annonce de sanctions américaines contre l’Iran et le Venezuela. Or le pétrole de Téhéran venait juste de retrouver le chemin du marché international quand à Caracas, le délabrement économique a fait chuter les extractions à leur plus bas niveau en 30 ans environ.
N'oublions le rôle majeur de l'Opep, emmenée par l'Arabie saoudite : mi-2014, le cartel laissait filer sa production, renonçant même, fin 2015, à ses célèbres quotas. Il s'en est suivi une chute des cours avant que l'organisation de Vienne n'annonce le rétablissement (au 1er janvier 2017) desdits quotas à un niveau restrictif, qui plus est avec l'appui de pays extérieurs comme la Russie. Depuis, cette « Opep élargie » respecte ses engagements. La production record des États-Unis, qui dépasse maintenant celle de l'Arabie saoudite, n'a donc pas empêché le rebond de l'or noir.
Qui en profite le plus ? Évidemment les compagnies pétrolières, mais pas autant qu'on pourrait le penser puisque les termes des accords de partage de production deviennent tendanciellement plus favorables aux États. Les parapétrolières en tirent un meilleur parti, un cours du baril plus élevé laissant enfin entrevoir un retour en force des investissements d'exploration-production, allègrement sabrés ces dernières années.
Qui risque d'en pâtir le plus ? Parmi les consommateurs de produits pétroliers, les compagnies aériennes sont sans doute les plus exposées : chez Ryanair par exemple, le kérosène concentre environ 40 % des dépenses opérationnelles. Chez Michelin, une hausse du Brent de 1$ fait grimper les coûts d'achats (qui à 25 % portent sur du caoutchouc synthétique) de 9M$. Ou encore Tarkett, chez qui le PVC et les plastifiants représentent 33 % des dépenses de matières premières. La résistance des bénéfices sera alors fonction de la capacité de ces entreprises à imposer leurs prix.
Emmanuel Gentilhomme
Achevé de rédiger le 24/05/2018