De nouveau, le « sauvetage » d’Alstom fait la Une. Déjà en 2004 et en 2014, l’État s’est précipité au chevet du groupe dans son ensemble. Mais cette fois, son intervention se limite au site de Belfort.
En effet, après la cession des divisions Énergie à General Electric, « l'Alstom nouveau » est un groupe sans dette recentré sur les équipements ferroviaires. Et il est en bonne santé : d'avril à juin, la croissance organique de ses ventes était de 7 %. Proche de 30 Md € sans même tenir compte des contrats annoncés depuis l'été, ses commandes représentent plus de quatre ans d'activité. Enfin, sa marge opérationnelle devrait passer de 5,3 % à 7 % d'ici la fin de la décennie.
Si le groupe va bien, pourquoi le site de Belfort est-il en panne ? Dans les équipements ferroviaires, la proximité est devenue un élément commercial clé. En clair, les donneurs d'ordres recourent aux fournisseurs implantés localement. Ce qui, pour Alstom, marche fort bien en Allemagne, en Italie, en Afrique du Sud ou aux États-Unis. Mais moins bien en France, où les commandes de TGV se sont taries depuis des années.
Pour « sauver » Belfort, et alors que la campagne électorale des présidentielles bat manifestement son plein, les pouvoirs publics ont monté en catastrophe un édifice baroque : un ensemble équivoque de commandes, dont le montant dépasse le milliard d'euros, et d'engagements d'investissements.
L'État a-t-il joué – ou non – son rôle d'actionnaire, s'interrogent certains ? La question ne se pose pas dans ces termes car l'État n'est pas présent au tour de table ! Il s'est simplement fait prêter gracieusement par Bouygues 20 % du capital d'Alstom jusqu'à l'automne 2017. Ce qui comprend l'exercice des droits de vote en AG, deux administrateurs… mais pas les dividendes éventuels, qui reviendront intégralement à Bouygues. En quelque sorte, l'État joue chez Alstom le rôle d'un locataire qui serait autorisé à siéger, honoris causa et pour une durée limitée, au conseil syndical de copropriété.
À plein tarif, l'État peut toutefois décider de devenir actionnaire de plein droit : il bénéficie de promesses de vente de la part de Bouygues. Jusqu'à l'automne prochain, il peut acquérir ce qu'il loue moyennant 35 € par action. Un objectif de cours – et donc de vente – dont on ose à peine rêver.
Emmanuel Gentilhomme
Achevé de rédiger le 5 octobre 2016