Les observateurs de la politique monétaire vont-ils devoir scruter le ciel ?
On peut se poser la question tant l'helicopter money est devenu à la mode. Difficilement traduisible, ce concept trouve son origine dans un recueil de textes publié en 1969 par l'Américain Milton Friedman, un libéral comptant au nombre des fondateurs de l'école de Chicago. Il recevra le prix Nobel d'économie en 1976, notamment pour ses travaux sur la monnaie. Dans ce texte, il s'interrogeait incidemment sur les conséquences d'un hypothétique – et unique – lâcher de billets de 1 000 $, une coupure entre-temps retirée de la circulation, depuis un hélicoptère.
L'expression a fait florès, des commentateurs ayant surnommé « Helicopter Ben » l'ancien président de la Fed, Ben Bernanke, « auteur » des rachats obligataires en masse ou QE. Ben Bernanke avait aussi développé l'idée d'une relance budgétaire via des baisses d'impôts doublées de rachats d'actifs par la banque centrale, afin de maintenir les taux sous contrôle. En la comparant à l'helicopter money de Milton Friedman.
Aujourd'hui, elle séduit d'autres banquiers centraux : le 10 mars, le patron de la BCE, Mario Draghi, a qualifié l'helicopter money de « concept très intéressant ». Le 18 avril dans les colonnes du Wall Street Journal, le gouverneur de la Banque du Japon, Haruhiko Kuroda, l'a de nouveau repoussé tout en y consacrant presque un tiers de son interview.
Nous comprenons l'intention : la BCE comme la Banque du Japon injectent autant de liquidités qu'elles le peuvent pour relancer le crédit. Mais si l'économie réelle n'en profite pas, pourquoi ne pas verser directement l'argent aux ménages ? Chaque mois, la BCE rachète 80 Md € d'actifs, soit 236 € par habitant de la zone euro.
Cependant, cette thèse soulève un énorme problème politique pour des banques centrales indépendantes, qui marcheraient alors sur les plates-bandes des États. Elle pose aussi un problème de communication : après bien des mesures « non conventionnelles », évoquer l'helicopter money n'est-il pas un aveu d'impuissance ? Elle pose enfin un problème financier et citoyen : est-ce à dire que la monnaie ne vaut plus rien ? Raison de plus pour ne pas négliger les actifs réels dont, à notre sens, les actions font partie.
Emmanuel Gentilhomme
Achevé de rédiger le 20 avril 2016